Vie privée: pas ce soir… j’ai un dossier

L’étude Technologia en partenariat avec la mutuelle UMC publiée le 6 mars nous en apprend de bonnes sur ce que beaucoup de salariés qualifiés et en responsabilités vivent de façon de plus en plus aiguë. Ainsi, «la majorité des salariés vivent un déchirement entre l’importance qu’ils accordent à leur travail et celle qu’ils peinent à donner à leur vie privée, familiale principalement» et on ne s’étonnera pas que ce soit chez les cadres que la proportion soit la plus forte. Ils sont ainsi 61% à estimer que le travail tient au quotidien la place la plus importante. Et pourtant, la quasi-totalité de ces salariés (96 %) souhaiterait faire d’autres choix de vie. L’étude livre une analyse qui fait froid dans le dos, car une fois n’est pas coutume, l’enquête porte aussi sur l’intimité des salariés. «Horaires élastiques, travail de nuit, sommeil réduit, rapports sexuels bâclés ou tout simplement ajournés, le travail entre chez les gens pour s’y installer durablement. Presque naturellement tant il semble difficile de résister à ce temps de la production qui ne connaît plus les pauses nocturnes ou les frontières de la maison. Le sommeil, la vie privée ou la sexualité servent alors de variables d’ajustement. Mais à quel prix : culpabilité, divorces, troubles sexuels… Tout indique que le monde économique, celui de la production et du travail, tend à ne plus jamais s’arrêter ni se contenir». Autre enseignement, si le travail de nuit des cadres n’est pas un phénomène nouveau, il apparaît massif dans cette enquête. C’est ainsi que «près de la moitié des cadres et professions intellectuelles supérieures reconnaissent travailler fréquemment le soir ou la nuit sur leur temps personnel. Permise par la multiplication des outils de communication interconnectés, cette intrusion nuit au sommeil et à la vie intime et sexuelle pour 80 % d’entre eux». Cette étude nous montre aussi combien est insupportable la défausse des directions d’entreprise confrontées au suicide d’un salarié ou pire à des séries de suicides. Mettre en avant l’existence de déterminants personnels et intimes à ces drames quand le travail phagocyte à ce point la vie privée est une hypocrisie. Mais que penser aussi de la posture du P-DG de La Poste où un cadre s’est donné la mort il y a quelques jours ? Jean-Paul Bailly a ouvert jeudi 8 mars la conférence de presse consacrée à la présentation des résultats du groupe en évoquant ce drame et a annoncé sa volonté d’ouvrir «un cycle de dialogue sur la santé et le bien-être au travail», un « cycle bien sûr destiné à la décision et à l’action» et une réunion avec les syndicats, mais il a cependant pris soin d’ajouter : «une condition qui nous paraît vraiment essentielle, c’est que ces propositions permettent effectivement de continuer la dynamique d’adaptation de l’entreprise». Autrement dit, le suicide est devenu un sujet de dialogue social pour peu que rien ne change.

 


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